L’éventail des mots pouvant être employés pour décrire les divers processus de création ou de suppression d’entités géopolitiques ou pour simplement identifier ces entités est large. Le sens de ces mots se nuance d’un auteur à l’autre et varie d’une époque à l’autre, d’une culture à l’autre. Malgré ces nombreuses possibilités offertes donc, le politicien, souvent n’y trouvera pas son compte et tentera de tordre le sens premier de ces mots, d’en employer certains dont l’usage semble incongru, ou même d’en inventer, d’où le sens dit « juridique ». Aussi, il en choisira certains plutôt que d’autres, en fonction d’un effet escompté bien précis.
Au Québec par exemple, bien qu’ils soient fréquemment employés par les tribuns d’estrade en quête d’effet dramatique, des mots tels « démembrement » et « amputation » relèvent davantage du domaine de la boucherie ou de la chirurgie que de celui de la géopolitique. Les annexions étant souvent impopulaires auprès des citoyens des entités annexées, au Québec, le terme « annexion » n’est guère employé depuis plusieurs décennies, que pour des territoires dits « non organisés », le plus souvent dépourvus de toute population, donc d’autant d’électeurs potentiellement insatisfaits. Même le mot « fusion » n’a plus la faveur du politique ; on lui préfère le mot « regroupement », duquel l’impression d’irréversibilité semble moins affirmée. Finalement, « défusion »,séquence de huit lettres, vide de sens, de laquelle on a voulu faire un antonyme de « fusion », demeurant étrangère à la langue française, ne saurait être utilisée ici. À cette malheureuse tentative de néologisme attestée depuis le gouvernement de Jean Charest (apparition en 2002 dans la presse écrite locale) est préférable l’emploie du terme « sécession » qui dans sa graphie initiale, est attesté depuis 1354 et d’usage courant depuis règne de Jean II le Bon !
Depuis le 1er janvier 2002, le terme « cité », est disparu de la liste des statuts des entités municipales québécoises, victime notamment d’un abus d’usage (on a attribué ce statut à bon nombre de quasi-bourgades périurbaines), mais surtout de l’affirmation du fait français dans la classe politique provinciale de la seconde moitié du XXe siècle, car à tort perçu comme une traduction du terme anglais « city ». Bien mal avisé quiconque suggérerait que l’expression « Île de la Cité » pour désigner une minuscule île de la Seine (en l’occurrence : le cœur de Paris), soit un anglicisme. Alors que des agglomérations telles que Québec, Trois-Rivières et Montréal, en regard de leur âge vénérable et de leur importance dans l’histoire provinciale, devraient avoir droit à cette suprême marque de distinction, il est inconcevable que la minuscule Ville de Côte-Saint-Luc (7,35 km2 et 31 458 habitants) puisse s’afficher comme « cité » dans ses documents officiels en français. Cependant que Montréal (363,52 km2 et 1 640 565 habitants) doit se satisfaire du titre de « ville », ce qui la place à égalité hiérarchique avec la Ville de L’Île-Dorval (0,18 km2, 0 habitant !). Ces aberrations constituent à n’en pas douter le salaire de quelques votes…
Précisons en terminant que le Québec compte, depuis le 5 mai 2010, 1112 entités municipales et que l’on peut estimer à 86 000 le nombre d’individus y ayant été maire depuis l’apparition de cette charge en 1833. Quant au nombre d’échevins (ou conseillers municipaux), il doit, s’il ne l’a atteint, tendre vers le demi-million…
Les termes qui suivent sont donc définis afin de permettre une meilleure compréhension de leur sens exact dans le présent contexte.
Abolition :
Terme générique employé pour exprimer la disparition d’une entité municipale, quel que soit le processus de cette disparition.
Annexion :
Regroupement de deux ou de plusieurs entités municipales pour n’en former qu’une seule. L’entité municipale résultante est le prolongement d’une des entités municipales précédemment existantes après expansion territoriale.
Chef-lieu :
Lieu géographique où siège le conseil municipal.
Compeau (ou « morceau de terre ») :
Terme familier aux arpenteurs du XIXe siècle et fréquemment utilisé dans les documents constitutifs d’entités municipales au Bas-Canada, il désigne une surface territoriale déterminée par arpentage. Malgré le fait qu’il semble tombé dans un relatif oubli (il est absent de la plupart des dictionnaires), le mot est ici repris car il illustre à merveille la réalité québécoise du temps, alors que certaines entités municipales étaient encore en l’état naturel ; souvent à peine peuplées et donc en fait, guère plus que le « morceau de terre » décrit. Afin de marquer ce particularisme, il est utilisé ici dans le cadre des municipalisations initiales des territoires, soit celles de 1833 et du 1er juillet 1845, pour des territoires jusqu’alors dépourvus d'organisation municipale. Cet usage étant ici symbolique, le mot « territoire » sera utilisé pour l'ensemble des municipalisations postérieures.
« Défusion » :
Voir Sécession.
Dissolution :
Terme générique employé pour exprimer la disparition d’une entité municipale, quel que soit le processus de cette disparition.
Division :
Morcellement d’une entité municipale en deux ou plusieurs entités municipales nouvelles, dont aucune ne peut être considérée comme étant le prolongement de l’entité municipale initiale, qui ne subsiste donc pas.
Échevin :
archaïsme employé au Québec jusqu’au milieu du XXe siècle et remplacé depuis par l’expression « conseiller municipal ».
Entité municipale :
Expression utilisée ici en remplacement du mot « municipalité » dans son sens générique et englobant la Banlieue, le Bourg, le Canton, la Cité, le Comté, la Municipalité, la Paroisse, la Réserve indienne, le Township, le Village et la Ville.
Érection :
Terme générique et juridique employé pour exprimer l’apparition d’une entité municipale, quel que soit le processus de cette apparition.
Fusion :
Regroupement de deux ou de plusieurs entités municipales pour n’en former qu’une seule. L’entité municipale résultante est nouvelle et ne peut être considérée comme le prolongement d’aucunes des entités municipales précédemment existantes.
Incorporation :
Terme juridique employé pour exprimer l’apparition d’un conseil municipal, composé du maire, des conseillers et des citoyens.
Partition :
Morcellement d’une entité municipale et attribution de son territoire à deux ou plusieurs entités municipales déjà existantes. L’entité municipale initiale ne subsiste pas.
Scission :
Résorption territoriale d’une entité municipale afin d’en ériger une seconde. L’entité municipale initiale subsiste.
Sécession :
Résorption territoriale d’une entité municipale afin d’en ériger une seconde, ayant précédemment existé jusqu’à son annexion par l’entité municipale dont elle est maintenant scindée. L’entité municipale initiale subsiste.
Suppression : Fin d’existence d’une entité municipale. Bien que le territoire qu’elle occupait demeure « municipalisé », la rupture entre cette entité et celle qui lui succède sur le même territoire est complète.
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